Découvrez Emmy et son histoire

Préface :

Chaque histoire dispose d'une préface, quoi de mieux que de vous présenter Emmy pour vous raconter son histoire ?

Notre petite Emmy, ou chouquette pour les intimes, nous a rejoint le 22 Décembre 2021 à 19h34. Une jolie bouille d'amour qui pesait 3.210 kgs et mesurait 51 cm. Après un premier Noël à la maternité, nous avons regagné la maison et Emmy a pu découvrir sa chambre.

Que dire d'Emmy pour ses premiers jours ?

Elle ne dort pas tant que ça pour un bébé et est très régulière pour l'heure des repas : à table toutes les 3h ! Durant ses phases d'éveil, c'est déjà une petite curieuse qui ouvre bien grand ses petits yeux et essaye de s'intéresser à ce qu'il se passe autour d'elle : elle est très réactive à la lumière et au bruit.

Son moment préféré de la journée est sans aucun doute celui du bain. Elle s'apaise et se détend au contact de l'eau et ces moments sont des vrais instants de complicité. Comme vous pourrez le constater sur cette photo, elle sait attendrir papa et maman ( mais aussi tout le reste de la famille ! ) avec sa jolie petite tête d'ange.

Emmy nous gratifie de ses meilleurs sourires, et jusqu'à ses 1 mois même si le sommeil et les repas étaient très compliqués, nous étions très loin d'imaginer que notre vie allait basculer.

Chapitre 1 : L'inquiétude

Les premières semaines passent et se ressemblent, Emmy a maintenant un mois. Les repas sont toujours très compliqués, elle mange de moins en moins.

Nous contactons son pédiatre afin de lui faire part de notre inquiétude. Ayant des reflux gastro-œsophagiens depuis sa naissance, la mise en place d'un traitement plus fort s'avère nécessaire. Malgré cela, Emmy pleure toujours énormément en mangeant et les quantités ingérées sont de plus en plus faibles.

Nous nous résignons à nous rendre aux urgences 3 jours plus tard sur les conseils de notre médecin. Les urgences nous renvoient à la maison par deux fois, Emmy n'est pas encore déshydratée ce n'est donc pas une « urgence », il faut attendre que son traitement fasse effet.

Nous patientons deux jours supplémentaires, mais la situation ne s'améliore pas.

Début février, le troisième voyage aux urgences sera le bon, papa et maman ont décidés de se faire entendre car il est insupportable de voir Emmy s'affaiblir jour après jour, perdre son sourire ainsi que sa curiosité.

Le dimanche 6 février, nous sommes enfin écoutés. Emmy sera donc hospitalisée durant la nuit : elle doit être réhydratée et a perdu beaucoup de poids.

Notre chambre sera la chambre « le livre de la jungle ».

Les infirmières ont eu une gentille attention pour notre arrivée, même en pleine nuit.

Papa s'est essayé au dessin et maman aussi : lui a rajouté Mowgli et elle Kaa (le serpent).

On vous laisse juge de nos talents (cachés?) même si l'un des deux à tout de même l'air plus doué que l'autre.

Nous ne savions pas ce soir là que notre séjour à l'hôpital durerait plus de 3 semaines.

a baby in a hospital bed with a drawing on the wall
a baby in a hospital bed with a drawing on the wall

Chapitre 2 : Le début des épreuves

Après la relève du matin, nous rencontrons l'équipe médicale qui va s'occuper d'Emmy.

Elle est auscultée et nous répondons de notre côté à quantité de questions.

Au delà de son arrêt de prise alimentaire, Emmy montre des signes d’hypertonie (contractions musculaires anormales) et les médecins s'interrogent sur l'origine de ce comportement. Les examens s'enchaînent : échographies , radios , bilan cardiaque, fibroscopie et enregistrement de l’activité cérébrale. Plusieurs spécialistes viennent aussi à la rencontre d'Emmy : un médecin gastro-entérologue, un spécialiste ORL , un chirurgien maxillo-facial, un pneumologue, pour ne citer qu'eux.

Les premiers résultats tombent.

Il est diagnostiquée à Emmy une légère séquence de Pierre Robin. Elle ne coche pas toutes les cases de cette pathologie, mais cela correspond bien aux difficultés alimentaires et respiratoires, qui elles auront été révélées par des examens sanguins. Emmy devra dormir sur le ventre afin de faciliter sa respiration et oxygéner de manière plus efficace son corps. Elle sera scopée (brancher à un appareil) pour ses constantes respiratoires et vitales durant ses phases de sommeil. Elle devra aussi suivre des séances d’orthophonie pour l’aider dans sa déglutition, apprivoiser son sens du goût et espérer un retour à la normale pour son alimentation.

Concernant l’hypertonie, ils n’ont pas d’explications concrètes sur ce phénomène. L'enregistrement de l’activité cérébrale ne montre rien d'anormal mais par précaution compte tenu de son petit périmètre crânien, les médecins décident de faire passer un IRM à Emmy.

Nous étions déjà bien secoués par ces premiers résultats, cet IRM ne devait être qu'une formalité mais il ne l'était finalement pas.

C’est à partir de ce jour que notre vie a volée en éclat.

Chapitre 3 : la descente aux enfers

Après presque 3 semaines à l’hôpital, nous avions désormais l’habitude de voir Emmy se promener dans les couloirs pour aller de salle d’examen en salle d’examen. L’IRM était le dernier examen à passer.

Emmy a été préparée et est partie avec le médecin. Cela a été les 20 minutes les plus longues de notre séjour.

Emmy revient, nous sommes soulagés de la retrouver. Nous attendons maintenant la venue du médecin radiologue pour nous confirmer que tout va bien.

Il arrive enfin mais nous comprenons à son visage que quelque chose ne va pas.

Tout d’un coup le temps nous paraît suspendu. Nous écoutons avec la plus grande attention les premières paroles, puis dès lors que sont prononcés les mots « malformations cérébrales » notre cœur se brise. Un véritable coup de poignard dans la poitrine. Une sensation indescriptible. Il faut encore écouter et essayer de comprendre mais cela devient un véritable défi. Puis les larmes montent. Maman n’arrive qu’à demander quelles seront les conséquences pour Emmy mais c’est le neurologue qui devra nous expliquer cela plus tard.

L'annonce est brutale. Nous sommes debout dans une salle d'attente, notre fille dans son lit à barreaux d'hôpital, d'autres parents et enfants attendent leur tour. C'est impersonnel, c'est glacial, beaucoup de personne sont autour de nous mais pourtant on se sent si seuls. Aucun tact, aucune forme, aucune préparation. Juste ces mots si douloureux à entendre.

Nous remontons dans la chambre, dans le silence, sans un mot pour les infirmières qui nous connaissent bien maintenant, mais elles ont comprit. Quelque chose de grave s’est passé. Les larmes ne cessent de couler.

On pense toujours que cela n’arrive qu’aux autres, mais nous sommes tous l’autre de quelqu’un…

Chapitre 4 : Inconnu nous voilà

Durant la grossesse de maman, rien n’avait été diagnostiqué. Elle était pourtant suivie de près avec une échographie chaque mois… Elle s’était inquiétée au 6e mois quand la courbe du périmètre crânien d’Emmy fléchissait, mais on lui a répondu qu’Emmy aurait simplement une petite tête comme elle. Toujours se fier à l’instinct maternel…

Microcéphalie…. Schizencéphalie…. Polymicrogyrie… Absence de gyration des régions fronto-pariétales droites… Agénésie du corps calleux… Absence de myélinisation de la substance blanche…

Autant de termes médicaux pour désigner un cauchemar.

Quelques explications :

• Schizencéphalie : Pathologie neurologique cérébrale très rare (1,5/100 000 naissances) qui correspond à une malformation du système nerveux central en rapport avec la présence d'une fente uni- ou bilatérale

Pour Emmy, cela concerne uniquement le côté droit, une « chance » dans notre malheur…

• Microcéphalie : La microcéphalie est une malformation congénitale où la tête du bébé est plus petite que la normale. Les bébés atteints de microcéphalie ont souvent un cerveau qui n’est pas complètement développé.

• Polymicrogyrie : anomalie de l'organisation des neurones

• Agénésie du corps calleux : malformation du corps calleux, 0,3 % à 0,7 % de la population

• Absence de myélinisation de la substance blanche : processus de maturation de « l’eau » présente dans le cerveau, nécessaire à établir le lien entre les neurones une fois qu’elle est mature

Et les séquelles possibles avec leur probabilité / sévérité possible

• Crises d’épilepsie : 80 % / +++++

• Retard de développement moteur 90 % / ++++

• Retard intellectuel 70 % / ++++

• Troubles de l’alimentation 60 % / ++++

• Hémiparésie (forte diminution de la motricité de la moitié du corps) 90 % / +++++

• Retard de développement cognitif 70 % / ++++

• Trouble du comportement 60 % / +++

Cette accumulation de pathologies accroît les probabilités de survenance des séquelles pour Emmy, ainsi que leur sévérité. Malgré la multitude de médecins s’étant penchés sur son cas, aucun ne peut ne dire comment évoluera Emmy.

Saura t’elle parler ? Saura t’elle marcher ? Arrivera-t-elle à manger seule et pourquoi ne mange-t-elle pas ? Sera-t-elle doté « d’intelligence » ou aura-t-elle un retard mental profond ?

Tout ou rien. Quitte ou double. Seul le temps nous le dira…

a woman with a baby in a hospital room
a woman with a baby in a hospital room

Chapitre 5 : Un premier retour à la maison, un aperçu de notre nouvelle vie

Notre retour à la maison ne s’est pas fait du jour au lendemain.

Emmy ne s’alimentant toujours pas, il était nécessaire que nous ayons l’ensemble du matériel à la maison. L’hôpital a donc mis en place ce que l’on appelle l’ H.A.D : l’hospitalisation à domicile.

Cela a été très rassurant pour nous, puisque cela consiste à avoir une équipe médicale disponible 24/7 si jamais nous avons une question ou des difficultés, une infirmière qui passe 2 fois minimum par semaine à la maison vérifier que tout va bien pour Emmy ( contrôle de la prise de poids notamment) et la livraison de l’ensemble du matériel.

Malgré notre ras-le-bol de l’hôpital et le moral qui flanche avec le besoin de rentrer chez nous, nous avons dû effectuer notre retour à la maison en deux fois.

Nous avons eu une autorisation de sortie d’une journée, pour retrouver notre famille et prendre cette bouffée d’air frais en leur compagnie dont nous avions tant besoin. Le matériel nous a aussi été livré.

Cette première journée a été celle du nouveau (faux) départ. Comme un avant-goût de ce que serait notre vie quelques jours plus tard. S’acclimater en douceur.

Ce fût quand même dur, puisqu’il fallait accepter de ramener tout de même un bout de l’hôpital à la maison. Accepter que ce serait « ça » notre nouvelle vie. Ces machines dans notre chambre et non à l’hôpital, la pompe de nutrition pour Emmy qui est devenu cet objet du quotidien vital pour elle, ces visites chaque semaines à notre domicile (assistante sociale, psychologue, infirmière : tout le package retour à la maison ! ) .

Accepter. Un seul mot mais beaucoup plus facile à dire qu’à faire.

Le plus dur ? Se projeter

En photo, Emmy qui découvre son parc pour la première fois à la maison et le texte que maman avait écrit avec émotion à l’annonce de notre retour prochain à la maison.

Chapitre 6 : Le grand (nouveau) départ

Nous y sommes, mardi 1er mars.

Aujourd’hui nous quittons les 15 m² de notre chambre d’hôpital, pour de bon. Ces 15 m² dont nous sortons seulement quelques minutes par jour pour un tour en poussette sur le parking, depuis plus de 3 semaines maintenant. Ces 15 m² qui ont été le théâtre de mauvaises nouvelles et de multitudes d’émotions : la colère, l’incompréhension, la tristesse, l’injustice, l’espoir, le désespoir, la peur.

Ces 15 m² qui étaient le refuge de nos larmes, mais notre refuge quand même à tout les 3.

Même si nous sommes désormais chez nous, il faut trouver et mettre en place notre nouveau rythme. Tout juste rentrés que l’après-midi même première visite de l’infirmière de l’HAD.

Il faut aussi chercher les professionnels qui prendront en charge Emmy : kinésithérapeute, psychomotricienne, orthophoniste. 

Les premiers jours sont compliqués pour nous. Nous sommes comme dans un état second, un état de sidération.

Emmy, elle, retrouve avec plaisir sa maison, ses jouets. Difficile pour maman de remettre Emmy seule dans sa chambre après plusieurs semaines à dormir à coté d’elle. Ce sera alors co-dodo dans la chambre de papa et maman.

Les jours passent et se ressemblent :

Emmy se lève, nous la branchons pour manger. Pendant qu’elle est dans son transat pour manger, nous la stimulons. Puis nous lavons la machine.

Emmy fait une sieste, nous regardons la télé : nous étions coupés du monde et nous voila à regarder un journal télévisé qui nous apprend qu’une guerre a éclaté. Le monde n’a pas arrêté de tourner même si pour nous c’était le cas.

Puis Emmy se réveille et mange de nouveau. On lave la machine.

L’infirmière de l’HAD passe : Emmy est pesée, on contrôle la sonde, on contrôle la saturation d’oxygène.

Puis Emmy mange de nouveau. On lave la machine.

Ensuite Emmy va au bain, elle adore l’eau !

On joue un peu, puis de nouveau l’heure de manger.

Après une période de digestion, Emmy est préparée pour un bon dodo :

Couche changée, pyjama, gigoteuse mais surtout la mise en place du petit capteur pour contrôler sa saturation en oxygène et son rythme cardiaque la nuit.

Dans tout ça, nous trouvons le temps de manger avec papa même si nous ne faisons pas de la grande cuisine. Nous regardons une série durant les siestes d’Emmy.

Les semaines passent et nous nous enfermons dans cette spirale infernale.

Nous n’avons pas l’impression de vivre mais de survivre. Nous sombrons tout les deux.

Notre première sortie se fera un samedi. Des amis qui nous appellent pour prendre des nouvelles et nous proposer de passer chez eux.

Au départ nous ne savons pas trop quoi répondre… Sortir de la maison ? Avec Emmy et ses branchements ? Comment gérer tout ça à l’extérieur ? On réfléchit. Nous ne sommes pas prêts.

Mais pourquoi notre vie serait différente de n’importe quels jeunes parents ? Tout le monde connait le grand déménagement à chaque sortie pour que bébé ne manque de rien.

Emmy aura juste un petit sac en plus.

C’est décidé : nous sortons de la maison !

Quelle bouffée d’oxygène de revoir des amis…

Une fois l’appréhension du « déménagement » derrière nous, nous avons passé un super moment.

Emmy est un amour, comme depuis toujours. Elle rencontre pour la première fois ses copines Agathe et Adèle.

C’est décidé : nous ne resterons plus à la maison à nous morfondre, nous allons réapprendre à vivre et non survivre. Même si cela est encore une fois plus facile à dire qu'a faire...

Chapitre 7 : welcome back

À peine rentré à la maison, que nous voilà déjà reparti pour l’hôpital.

Ouf, cette fois-ci on n’y dort plus…

Mais la veille, la gorge de maman se noue. Elle n’arrive pas à dormir. Plus on roule et se rapproche de l’hôpital, plus le stress et l’angoisse sont présents. Puis l’hôpital apparaît et les larmes montent.

La simple vue de ces murs, ce parking que nous avons arpenté de long en large, c’est très dur, trop dur.. des souvenirs, ces annonces, ces émotions. Tout remonte à la surface.

Rendez-vous le lundi avec l’hôpital de jour en gastro nutrition, pour la pose d’une deuxième sonde pour Emmy. On vérifie l’intensité des reflux, leurs nombres, l’efficacité du traitement.

On rentre à la maison bien outillé, pour changer… pauvre Emmy qui n’est pas épargnée une nouvelle fois.

Le mardi, retour à l’hôpital pour enlever l’appareillage.

Rendez-vous avec la neurologue pour faire un point sur notre première semaine à la maison.

Rendez-vous avec l’ORL, on contrôle encore l’obstruction des voies aériennes supérieures, la langue qui part en arrière, le larynx.

Rendez-vous pour de nouvelles radios : hanches et colonne vertébrale.

Encore une rude journée. On tient bon, ce soir on rentre à la maison.

Emmy comme toujours à été un véritable amour. Quelques pleurs lors de la pose de la deuxième sonde, mais qui aurait supporté cela sans broncher ?

Pas de nouveau rendez-vous avant fin mars, trois semaines tranquille, tout les 3 ( 4 si on compte Nouba ). Enfin, tranquille, ce n’est peut-être pas le terme.

Les semaines seront toutes identiques :

Visite infirmière de l’HAD, kiné, psychomotricienne, visite infirmière de l’HAD, orthophoniste, visite infirmière de l’HAD, parfois ostéo ou chiropracteur.

Quelques fois se greffe dans notre journée la visite des mamies, d’amis et dieu que ça fait du bien.. nous sortons nous balader quelques fois aussi.

Ce rythme est difficile. Parce qu’il est redondant, abrutissant, ne nous laisse pas entrevoir comment sera notre vie. Comment envisager de reprendre une vie « normale » ? Metro, boulot, Emmy, dodo ce serait peut-être pas mal non ?

C’est trop tôt encore pour penser à cela, psychologiquement nous ne sommes pas prêts avec papa. Il faut se rendre à l’évidence nous sombrons… Cela porte un nom : dépression.

Pour Emmy la situation est stable. On ne change rien à ses surveillances, on reste vigilants.

Nous reproduisons du mieux possible les exercices kine, massages, stimulations psychomotrices.

Emmy est toujours autant lumineuse. Ses sourires, ses grands yeux. Elle donne tellement d’amour.

Sur cette photo, Emmy venait de finir de manger. Elle mangeait encore un peu son biberon mais bien évidemment devait être complétée avec sa sonde car 10 mL ce n’etait pas suffisant. Mais voir qu’elle se mettait du lait partout ce n’était pas un problème, plutôt un plaisir qu’elle accepte de manger même un tout petit peu.

Elle réagit aussi à son prenom, à la voix abrutie de maman, elle est à croquer.